Citation à comparaître

Base légale

Nom du tribunal

Arrêt de la chambre d’appel en matière de baux et loyers de Genève

Date

24.06.2013

Résumé

Le bailleur soutient que la clause réglementant la communication des courriers entre bailleur et locataire, l'autorisait également à faire citer son locataire en justice en donnant au Tribunal l'adresse contractuelle pour adresse de notification. Pareille extension de la portée de cette clause ne peut être couverte par son interprétation objective. Si le locataire peut comprendre raisonnablement que le bailleur est ainsi autorisé à faire parvenir tout courrier contractuel à cette adresse de correspondance, il ne peut en revanche pas déduire du texte et du but de la clause que le bailleur pourrait aussi l'assigner en justice à cette même adresse qui vaudrait ainsi domicile élu dans le cadre d'une procédure judiciaire.

Exposé des faits

Par courrier recommandé du 28 septembre 2012 adressé au Tribunal des baux et loyers, le bailleur a sollicité que soient prises les mesures d'exécution nécessaires à l'évacuation immédiate du locataire occupant un appartement de 3 pièces au 4ème étage d'un immeuble sis à Y.
Le pli recommandé, non réclamé par le destinataire, a été retourné au Tribunal des baux et loyers le 19 février 2013. Une nouvelle notification, toujours à l'adresse rue X à Y, a été remise "en mains de son amie".
Lors de l'audience du 4 mars 2013, seul le représentant du bailleur a comparu, indiquant qu'il n'avait pas de nouvelles du locataire cité. Le bailleur a néanmoins persisté dans sa requête en exécution d'évacuation.
Par jugement du 4 mars 2013, le Tribunal des baux et loyers a autorisé le bailleur à faire exécuter par la force publique l'évacuation du locataire de l'appartement précité. Ce jugement a été communiqué au locataire par acte d'huissier le 11 mars 2013.
Par acte reçu par le greffe de la Cour de justice le 21 mars 2013, le locataire a formé recours contre ce jugement. Le recourant s'est notamment plaint d'une violation des règles en matière de notification et d'une violation de son droit d'être entendu.

Considérations

4.4 L’art. 61 desdites conditions générales règlemente la communication des courriers entre bailleur et locataire, ces courriers étant réputés valablement adressés si le bailleur les envoie à l’adresse des locaux loués ou à l’adresse indiquée dans le bail ou encore s’il les envoie à une autre adresse où le locataire peut être atteint.
Cette clause ne contient aucun élément susceptible de la rendre insolite, de sorte que l‘on doit admettre qu’elle est intégrée au contrat et lie le locataire.
Cela étant, il convient de l’interpréter pour en déterminer la portée.
En l’absence de tout indice susceptible d’établir qu’elle était à cet égard la réelle et commune intention des parties, il convient de procéder à une interprétation objective, selon le principe de la confiance.
Selon le texte de la clause, celle-ci est destinée à régir les communications ou notifications « relatives à l’exécution et à l’application du bail ».
Le bail étant un contrat de durée, il est nécessaire que les parties à ce contrat puissent compter que leurs communications leur parviennent effectivement et qu’elles conviennent à cet égard de règles pour l’adressage de leur correspondance.
Le bailleur envoie ainsi à ces adresses notamment les avis de hausse de de loyer, de modification du bail ou de résiliation de celui-ci.

4.5 Dans le cas présent, le bailleur soutient que cette clause l’autorisait également à faire citer son locataire en justice en donnant au Tribunal l’adresse contractuelle pour adresse de notification.
Pareille extension de la portée de cette clause ne peut être couverte par son interprétation objective. Si le locataire peut comprendre raisonnablement et de bonne foi, que le bailleur est ainsi autorisé à lui faire parvenir tout courrier contractuel à cette adresse de correspondance, il ne peut en revanche pas déduire du texte et du but de la clause que le bailleur pourrait aussi l’assigner en justice à cette même adresse qui vaudrait ainsi domicile élu dans le cadre d’une procédure judiciaire.
En l’espèce, le locataire pouvait d’autant moins faire pareille déduction que le bail avait pris fin et que son nouveau domicile avait été mentionné dans le cadre de la précédente procédure l’ayant opposé à son bailleur.
Dès lors, faute d’élection de domicile valable, la citation à comparaître envoyée au locataire à l’adresse des locaux loués, qui ne correspondait pas à son domicile officiel ou à sa résidence effective, était viciée.

5.1 Selon la jurisprudence, l’inefficacité et la nullité d’un acte (de procédure) doivent être relevés d’office par toute autorité (ATF 122 I 97 consid. 3a ; 115 Ia 1).
Des vices de procédure qui tiennent à des violations du droit d’être entendu sont en soi guérissables et ne conduisent en règle générale qu’à l’annulabilité de la décision entachée du vice. S’il s’agit cependant d’un manquement particulièrement grave aux droits essentiels des parties, les violations du droit d’être entendu entraînent aussi la nullité. C’est en particulier le cas quand la personne concernée par une décision, à défaut d’avoir été citée, ignore tout de la procédure ouverte à son encontre et, partant, n’a pas eu l’occasion d’y prendre part. Par ailleurs, un jugement par défaut présuppose une citation régulière de sorte qu’un tel jugement ne peut être rendu si la citation est viciée (ATF 129 I 361 consid. 2.1 et 2.2 = JT 2004 II 47).
En raison de la nature formelle du droit d’être entendu, la violation de ce droit conduit à l’annulation de la décision entreprise indépendamment des perspectives de succès du recours (ATF 121 III 331 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_72/2013 du 19 mars 2013).

5.2 Dans le cas présent, le recourant n’a pas été atteint par la citation qui a été expédiée à l’adresse de l’appartement loué où demeuraient ses sous-locataires et non à son domicile effectif, pourtant connu de l’intimé.
Il n’a pas été établi non plus que le recourant, nonobstant ce vice, ait eu connaissance en temps utile de l’audience tenue par le Tribunal et se soit abstenu de s’y rendre ou de s’y faire représenter.
Il apparaît qu’il n’a pas comparu et n’a pu faire valoir ses moyens.
Son droit d’être entendu a ainsi été violé, ce qui justifie, l’annulation du jugement entrepris.


Décision

54/11 - Citation à comparaître

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