Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève
16.12.2013
Le fils de la locataire est l’auteur des troubles qui ont amené à la résiliation anticipée du bail. Néanmoins, ses visites n’étaient à l’évidence pas souhaitées par la locataire, qui a pris les mesures que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elle pour empêcher son fils de pénétrer chez elle. L’intéressé s’est néanmoins introduit contre la volonté de la locataire chez elle. Le fils de la locataire ne peut dès lors pas être considéré comme un auxiliaire dont la locataire devrait répondre et ses actes ne lui sont pas imputables compte tenu des circonstances particulières de l’espèce.
Les parties sont liées par un bail à loyer, signé le 11 janvier 2003, portant
sur la location d’un appartement de quatre pièces à Genève. La locataire est la
mère de deux garçons dont l’aîné, né en 1982, est gravement atteint dans sa
santé mentale, sous forme de schizophrénie paranoïde d’intensité sévère.
En
2009, puis en 2010, la locataire a reçu plusieurs avertissements de la
bailleresse concernant le comportement de son fils aîné en raison de mégots et
de cigarettes encore allumées jetées par les fenêtres des chambres et de la
terrasse de son appartement. Le 4 octobre 2010, la bailleresse a déposé plainte
pénale contre inconnu pour dommages à la propriété suite aux dégâts constatés
concernant plusieurs serrures endommagées avec de la colle. Par pli recommandé
du 30 janvier 2011, une quinzaine de locataires de l’immeuble ont adressé une
plainte collective à la régie en raison de comportements déplacés et/ou violents
du fils de la locataire.
3.2 En l’occurrence, la locataire indique dans un premier moyen qu’elle n’est
manifestement pas l’auteur des nuisances et qu’elle est victime des agissements
de son fils, dont elle ne répond en aucun cas.
Il ressort des différents
témoignages que de nombreux mégots, voire des cigarettes encore allumées étaient
jetés de l’appartement de l’intimée et atterrissent sur les balcons et jardins
privatifs des voisins, créant au passage des dommages aux étages inférieurs. Ces
incivilités ne sont pas isolées, puisqu’il a également été question de crachats,
de vaisselle tombée du balcon de l’intimée, de cris déchirants, auxquels
s’ajoutent des injures proférées par l’intimée ou par son ami. Le fils de
l’intimée s’est, selon les dires de celle-ci, échappé de Belle-Idée une
quarantaine de fois pour se rendre à son domicile, où il a été trouvé à
plusieurs reprises en sous-vêtements et en chaussettes, effrayant ainsi les
autres locataires. Ses débordements ont nécessité plusieurs interventions de
policiers cagoulés ou de pompiers pour neutraliser le fils de l’intimée,
mobilisant parfois l’appartement voisin pour y parvenir.
Ainsi, le fils de
l’intimée est l’auteur des troubles. Doit-il être considéré comme son
auxiliaire? Tel serait les cas, par exemple, en cas de vie commune ou de
sous-location. A l’époque des faits, il était déjà majeur et disposait d’un
logement propre situé à la rue du Jura et ne faisait donc pas vie commune avec
sa mère. Par ailleurs, la locataire doit se voir opposer les actes des personnes
qui lui rendent visite et être amenée à en répondre. Toutefois, elle indique
avoir « tout tenté afin de limiter les excès lorsque son fils venait « lui
rendre visite », n’hésitant pas à appeler la police en cas de besoin ».
L’intimée a également procédé à un changement de serrures et a même déposé une
plainte pénale contre son fils. Ces visites n’étaient à l’évidence pas
souhaitées par la locataire, qui a pris les mesures que l’on pouvait
raisonnablement exiger d’elle pour empêcher son fils de pénétrer chez elle.
L’intéressé s’est néanmoins échappé de Belle-Idée et introduit contre la volonté
de l’intimée dans l’immeuble. Le fils de l’intimée ne peut dès lors pas être
considéré comme un auxiliaire dont la locataire devrait répondre et ses actes ne
lui sont pas imputables compte tenu des circonstances particulières de l’espèce.
De plus, le fils de la locataire a été interdit depuis 2008 et un tuteur lui
a été nommé en la personne d’une collaboratrice du Service des tutelles
d’adultes. L’intimée n’assume par conséquent aucune responsabilité au titre de
chef de famille au sens de l’art. 333 CC. Le chef de famille est celui ou celle
qui est investi(e) de l’autorité domestique (WESSNER, CR CC I, Bâle, 2010, N 6
ad. art. 333), ce qui n’est pas le cas en l’occurrence, puisque son fils
disposait de son propre logement à la rue du Jura et faisait l’objet d’une
mesure tutélaire. De surcroit, l’intimée a fait preuve de la diligence requise
afin d’empêcher son fils de pénétrer chez elle, mais la maladie mentale de
celui-ci l’amenait à s’échapper régulièrement des établissements dans lesquels
il séjournait.
3.3 Au vu de ce qui précède, bien que le fils de
l’intimée ait clairement manqué de respect à l’égard des voisins de l’intimée,
compte tenu des circonstances très particulières du cas d’espèce, la Cour
considère qu’il ne peut pas être considéré comme un auxiliaire de la locataire,
d’une part, et que celle-ci a entrepris tout ce qui était humainement possible
pour éviter les nuisances qui se sont quand même produites, d’autre part. La
première condition nécessaire à la résiliation anticipée, à savoir la violation
du devoir de diligence du locataire, n’est dès lors pas remplie.
3.4 Par
ailleurs, l’intimée soutient que les résiliations sont survenues tardivement,
soit un an après les avertissements. Le congé anticipé ne peut être donné que
si, malgré l’avertissement écrit, le locataire continue ou recommence à
enfreindre son devoir de diligence (LACHAT, Le bail à loyer, p. 678). Il n’est
donc pas exclu qu’une interruption survienne, ce qui doit être pris en compte
pour apprécier l’éventuelle tardiveté dans la réaction du bailleur.
Le laps
de temps légèrement supérieur à une année écoulé depuis l’avertissement du 3
février 2010 est susceptible de rendre la résiliation inefficace de ce fait
également, mais il n’est pas nécessaire de trancher la question en l’occurrence,
la première condition de l’art. 257f al. 3 CO n’étant pas remplie.
3.5
Les conditions cumulatives de l’art. 257f al. 3 CO n’étant pas réalisées, le
jugement entrepris sera confirmé. C’est à bon droit que les premiers juges ont
déclarés inefficaces.
55/5 - Prolongation «de fait» du bail – demande de baisse de loyer