Baisse de loyer – délai de péremption

Base légale

Nom du tribunal

Chambre d'appel en matière de baux et loyers de Genève

Date

12.11.2001

Résumé

L'art. 270a al. 2 CO institue une procédure préalable à la procédure judiciaire qui comporte deux délais différents: un premier délai de 30 jours dont dispose le bailleur pour répondre à la demande écrite de baisse de loyer du locataire et un second délai de 30 jours dans lequel le locataire doit saisir l'autorité de conciliation. Ce délai est un délai de péremption. Mais la péremption du droit à une baisse de loyer ne peut concerner que la baisse abandonnée par le locataire et non pas une baisse prenant effet à une date ultérieure.

Exposé des faits

Les parties sont liées par un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 4,5 pièces à G. Le bail était conclu pour une durée initiale d'une année, soit du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1993, avec clause de reconduction tacite d'année en année et préavis de dénonciation de trois mois.
Par lettre recommandée du 15 septembre 1999, les locataires ont demandé une baisse de loyer de 23,08% pour la prochaine échéance de leur contrat, en raison de la baisse du taux hypothécaire de 7% à 4%. Indiquant qu'elle venait de reprendre l'immeuble, la gérance sollicita, par lettre du 11 octobre 1999, un délai pour répondre à cette demande dont elle annonça finalement le refus par pli du 3 novembre 1999.
Par courrier du 2 décembre 1999, les locataires déclarèrent "renouveler en tant que de besoin" leur demande de baisse en raison de la baisse du taux hypothécaire de 7% à 4,25%, soit une baisse de 21,26% dès le 1er mars 2000, prochaine échéance trimestrielle du contrat.
Par requête adressée le même jour à la Commission de conciliation en matière de baux et loyer, les locataires ont confirmé cette demande de baisse de loyer. La cause non conciliée a été portée devant le tribunal de baux et loyers qui, par jugement du 5 janvier 2001, a déclaré irrecevable la requête des locataires en diminution de loyer. Les locataires ont fait appel de ce jugement.

Considérations

2a) L'art. 270a al. 2 CO institue une procédure préalable à la procédure\n judiciaire, qui comporte deux délais différents: un premier délai de 30\n jours dont dispose le bailleur pour répondre à la demande écrite de \nbaisse du locataire et un second délai de 30 jours dans lequel le \nlocataire doit saisir l'autorité de conciliation; ce dernier délai court\n dès la réception de la réponse du bailleur ou, à défaut de réponse, dès\n le dernier jour du premier délai (Lachat: Le bail à loyer, p. 276 n. \n4.3.3).
Or le délai que doit respecter le locataire pour saisir \nl'autorité de conciliation à l'issue de la procédure préalable est un \ndélai de péremption (Higi: Commentaire zurichois: N. 98 ad art. 270a). \nMais la péremption du droit à une baisse de loyer ne peut concerner que \nla baisse abandonnée par le locataire et non pas une baisse prenant \neffet à une date ultérieure.
Toute adaptation du loyer, qu'elle fasse\n l'objet d'une demande du locataire, d'une notification par le bailleur \nou d'une requête à l'autorité, doit se référer à un terme de résiliation\n précis et respecter le délai de congé (ATF 122 III 20 = SJ 1996 p. \n403). La demande de baisse formée par le locataire détermine ainsi \nl'échéance pour laquelle la baisse est requise et permet de vérifier si \nle délai de résiliation est respecté (Lachat: op. cit. p. 275 n. 4.3.1).
Le\n locataire qui saisit tardivement l'autorité de conciliation est réputé \navoir renoncé à sa prétention; il peut cependant recommencer ses \ndémarches mais celles-ci doivent alors respecter l'échéance \ncontractuelle et le préavis de résiliation (Lachat: op. cit. p. 276 n. \n4.3.4; Higi: op. cit., n. 97 ad art. 270a). De même, le locataire qui a \nrenoncé à porter devant le juge une demande de baisse de loyer ne \nsaurait se voir dénier le droit de réclamer pour un terme suivant une \nbaisse fondée sur les mêmes motifs (ATF 124 III 245 consid. 4 c p. 249; \nPermann-Schaner: Kommentar zum Mietrecht, éd. 1999 p. 419-420, n. 8 ad \nart. 270a).
La jurisprudence admet d'ailleurs, inversement, que le \nbailleur qui n'a pas saisi le juge dans le délai de trente jours ne peut\n plus majorer le loyer pour le même terme de résiliation, mais qu'il \nconserve la possibilité de notifier une nouvelle majoration de loyer \npour l'échéance contractuelle suivante, même s'il se prévaut, à l'appui \nde celle-ci, de motifs identiques à ceux invoqués précédemment (ATF 124 \nIII 245).

b) En l'espèce, il est manifeste que dans le cadre de \nleur demande du 15 septembre 1999, les locataires n'ont pas saisi \nl'autorité de conciliation dans le délai utile expirant le 16 novembre \n1999, leur requête ayant été formée le 2 décembre 1999.
 Cette \nrequête ne pouvait certes être accueillie dans la mesure où elle tendait\n à une réduction de loyer dès le 1er janvier 2000, mais sa validité \ndevait en principe, au vu de la jurisprudence et de la doctrine \nrappelées ci-dessus, être admise pour le terme contractuel suivant. \nC'est d'ailleurs en ce sens que, le même jour, les locataires \nrenouvelèrent leur demande de baisse pour la prochaine échéance qui se \nsituait, selon eux, au 1er mars 2000.

c) Le problème est \ncependant celui de la recevabilité de cette requête dont la Commission \nde conciliation a été saisie sans avoir été précédée directement d'une \nprocédure préalable spécifique.
L'art. 270a al. 2 CO exige que le \nlocataire adresse une demande écrite au bailleur, qu'il attende sa \nréponse pendant un certain délai et qu'il saisisse ensuite à temps \nl'autorité de conciliation. Ces dispositions de forme ne sont cependant \nque de pures règles d'ordre. La procédure préalable qui se déroule de \nmanière interne entre les parties a en effet seulement pour but d'amener\n celles-ci à un échange de vues au sujet du loyer futur avant \nl'introduction d'une procédure devant l'autorité compétente. Les parties\n ne doivent donc pas déjà se déterminer de manière définitive lors de \ncette procédure préalable et, dans la procédure subséquente devant \nl'autorité saisie, elles ne sont pas liées par les déclarations qu'elles\n y ont émises (ATF 122 III 20 = JT 1996 I 600 consid. 4c p. 604).
Lorsqu'à\n la suite d'une première procédure préalable demeurée vaine, le \nlocataire renouvelle sa demande écrite au bailleur, l'on ne saurait en \npareil cas lui reprocher d'avoir, dans ce \"second tour\", saisi \ndirectement l'autorité de conciliation sans attendre la réponse du \nbailleur (Lachat: op. cit. p. 276 note 131). Le respect de la procédure \npréalable ne se justifie pas, en effet, lorsqu'il ressort par avance de \nl'attitude du bailleur qu'elle serait sans effet, notamment lorsqu'il a \ndéjà fait savoir qu'il n'était pas disposé à baisser le loyer (Higi: op.\n cit: No 7 ad art. 270a citant l'ATF 121 III 266 = JT 1996 I 44 qui \nreproduit sur ce point l'argumentation du locataire recourant sans \ntoutefois entrer en matière sur le fond).
C'est dès lors en violation\n de l'art. 270a CO que le jugement querellé retient la péremption du \ndroit des époux B. à toute réduction de loyer en raison de la tardiveté \nde leur requête du 2 décembre 1999 et alors que la phase de la procédure\n préalable était superflue en l'occurrence.
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