Augmentation de loyer – Formule officielle
Base légale
- Art. 269d CO
- Art. 19 al. 1 litt. a OBLF
Nom du tribunal
Tribunal des baux du canton de Vaud
Date
22.11.2001
Résumé
Une simple confirmation signée par le locataire ne suffit pas à elle seule pour dispenser le bailleur d'utiliser la formule officielle. Une exception à cette obligation ne se justifie que lorsqu'il est certain que le locataire, sans avoir été l'objet d'aucune pression, a été informé de ses droits et qu'il est conscient qu'en renonçant à la formule officielle et aux formes prescrites, il renonce à contester plus tard la hausse de loyer. Le locataire peut donc invoquer le fait que la formule officielle n'a pas été utilisée uniquement dans les limites posées par l'interdiction de l'abus de droit.
Exposé des faits
Les parties sont liées par un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 4,5 pièces sis à L.
En
1999, des travaux importants ont été effectués dans l'immeuble. Dans
l'appartement de la demanderesse, la cuisine, la salle de bains, une
pièce et le hall ont été refaits; les fenêtres ont également été
changées.
Après l'exécution de ces travaux, la demanderesse a reçu la
visite d'un employé de la gérance. Selon celui-ci, il y aurait alors eu
un accord sur la fixation des loyers futurs. La demanderesse reconnaît
avoir été informée d'une possible hausse de loyer, mais conteste qu'un
quelconque accord soit intervenu à ce sujet.
Le 8 novembre 1999, la
gérance a informé la locataire que le loyer était augmenté à Fr. 1'000.-
dès le 1er avril 2000, puis à Fr. 1'200.- dès le 1er avril 2001. A la
lettre étaient jointes des notifications de hausse de loyer sur formules
officielles.
Le 3 mars 2000, la demanderesse a écrit à la gérance
pour signaler qu'elle considérait les deux hausses comme nulles, ne
respectant pas, selon elle, l'art. 19 al. 1 litt a ch. 4 OBLF. Elle a
néanmoins payé le nouveau loyer.
Le 12 juillet 2000, la locataire a
saisi la Commission de conciliation en matière de baux à loyer,
invoquant la nullité des deux hausses et demandant la restitution des
loyers versés en trop. La défenderesse soutient que les hausses
résultent d'un accord préalable entre la gérance et la locataire, ce qui
la déliait du respect de certaines règles formelles.
Considérations
Ia) Aux termes de l'article 269d alinéa 1 CO, le bailleur peut en tout
temps majorer le loyer pour le prochain terme de résiliation. L'avis de
majoration du loyer, avec indication des motifs, doit parvenir au
locataire dix jours au moins avant le début du délai de résiliation et
être effectué au moyen d'une formule agrée par le canton. Les
majorations de loyer sont nulles lorsqu'elles ne sont pas notifiées au
moyen de la formule officielle, si les motifs ne sont pas indiqués ou si
elles sont assorties d'une résiliation ou d'une menace de résiliation
(art. 269d al. 2 CO).
L'article 19 OBLF précise que la formule
destinée à communiquer au locataire les hausses de loyer et autres
modifications unilatérales du contrat au sens de l'article 269d CO doit
contenir, pour les hausses de loyer, notamment les motifs précis de la
hausse. Lorsque la hausse repose sur plusieurs motifs, les montants
correspondant à chacun d'entre eux sont à détailler (al. 1 litt. a ch.
4). Lorsque ce dernier point n'est pas respecté, la hausse est nulle
(Higi, Kommentar zum Schweizerischen Zivilgesetzbuch, Teilband V2b, Die
Miete, Zürich 1998, n. 91 et 117 ad art. 269d CO).
La nullité d'une
hausse peut être invoquée en tout temps par le locataire, même s'il a
payé le loyer majoré; en telle occurrence, il dispose d'une action en
restitution du loyer versé en trop, pour cause d'enrichissement
illégitime (art. 62 ss CO; cf. ATF 113 II 188; Higi, op. cit., n. 222,
226 s ad art. 269d CO).
Les prescriptions de forme imposées par la
loi ont pour but la protection du locataire. Elles créent les conditions
qui permettent au locataire de décider librement et en toute
connaissance de cause s'il veut contester l'augmentation de loyer,
résilier le contrat ou encore continuer le bail avec le nouveau loyer.
La formule officielle que le bailleur est obligé d'utiliser signale au
locataire son droit de contester la hausse de loyer (art. 19 al. 1 litt.
c OBLF) et sa notification fait partir le délai de trente jours pour ce
faire (art. 270b al. 1 CO)
Le bailleur n'a l'obligation d'utiliser
la formule officielle et de respecter les prescriptions formelles
prévues par la loi que lorsqu'il décide seul d'une augmentation de
loyer. Selon la jurisprudence, les parties sont par contre libres de
modifier leur contrat par l'échange de leurs volontés réciproques et
concordantes et de le faire d'un commun accord, plutôt que de voir le
bailleur augmenter le loyer unilatéralement selon la procédure
expressément prévue par le code. S'il existe un tel accord et que le but
protecteur de la loi n'a pas été violé, le locataire ne peut en aucun
cas reprocher au bailleur de ne pas avoir utilisé la formule officielle
(arrêt de la 1ère Cour civile du Tribunal fédéral du 28 août 1998,
publié dans CdB 1/99, p. 13; ATF 123 III 70; jugement du 28 mars 1995
publié dans die Praxis 85/1996 n° 129, p. 425 ss, mp 1995 p. 145 ss et
MRA 1995 p. 256 ss, cons. 2b). Cela signifie tout d'abord que le
locataire doit déjà connaître la possibilité de contester l'augmentation
de loyer, et deuxièmement qu'il ne doit être l'objet d'aucune pression,
notamment pas d'une menace de résiliation. Une simple confirmation
signée par le locataire ne suffit pas à elle toute seule pour dispenser
le bailleur d'utiliser la formule officielle. Une exception à cette
obligation ne se justifie donc que lorsqu'il est certain que le
locataire, sans avoir été l'objet d'aucune pression, a été informé de
ses droits, et qu'il est conscient qu'en renonçant à la formule
officielle et aux formes prescrites, il renonce à contester plus tard la
hausse de loyer (ATF 123 III 70, cons. 3b, p. 74; ATF non publié du 28
août 1998 précité).
Le locataire peut donc invoquer le fait que la
formule officielle n'a pas été utilisée uniquement dans les limites
posées par l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC; ATF 123
II 70, cons. 3c et d, p. 74 s.). Le locataire qui a librement et en
toute connaissance de cause renoncé à la formule officielle et qui
ensuite cherche à se dégager de son obligation contractuelle risque de
se voir reprocher un comportement contradictoire. Il y a en effet abus
de droit à prétendre après coup que la hausse de loyer était nulle,
faute pour le bailleur d'avoir utilisé la formule officielle (cf.
Lachat, Le bail à loyer, p. 266). Ce principe s'applique en particulier
lorsqu'il n'y a objectivement rien à reprocher à la hausse de loyer
intervenue d'un commun accord, que le locataire a payé pendant longtemps
et sans réserve le nouveau loyer, qu'il suscite ainsi, et à juste
titre, la confiance du bailleur dans la validité de la convention et le
dissuade enfin de confirmer la hausse de loyer pour le prochain terme au
moyen d'une formule officielle (cf. ATF 123 III 70, cons. 3d p. 75; ATF
non publié du 28 août 1998 précité).
b) En l'espèce, on
examinera en premier lieu si une hausse consensuelle du loyer est
intervenue entre parties, dispensant la bailleresse de respecter les
formes prévues par la loi en cas de majoration unilatérale du loyer.
Un
tel accord n'a pu être établi. S'il est vrai qu'il y a eu discussion
entre la demanderesse et sieur B. au sujet du loyer, rien n'indique que
celle-là ait donnée son accord à une hausse. Pour un accord de
l'importance de celui portant sur le montant de l'augmentation de loyer,
on s'étonnera que la bailleresse n'ait pas exigé d'accord signé de la
part de la locataire. Celle-ci niant qu'il y ait eu un accord, la
défenderesse n'a apporté aucun élément probant permettant de conclure à
une entente. De plus, même si entente il y avait eu, on peut se demander
si les prescriptions énoncées ci-dessus en vue de protéger le locataire
auraient été respectées. Rien n'indique en effet que la locataire ait
été informée de la possibilité de contester une hausse de loyer et des
conséquences qu'impliquait la renonciation à une hausse sur formule
officielle. Le Tribunal fédéral estime que même une confirmation signée
par le locataire peut s'avérer insuffisante. Or, en l'occurrence, il n'y
en a même pas. On ne peut non plus arguer du fait que la locataire soit
une personne "rompue aux affaires" de laquelle on pouvait attendre
qu'elle connaisse les prescriptions légales en matière de hausse de
loyer.
Il ne suffit pas de prétendre, comme le fait la défenderesse,
que la demanderesse est de mauvaise foi et qu'elle était parfaitement
d'accord avec une adaptation de son bail, notamment pour le rendre
conforme aux autres loyers de l'immeuble. Les prescriptions en matière
de hausse de loyer ont pour but la protection des locataires et on ne
peut y déroger qu'aux conditions évoquées ci-dessus. Elles ne sont pas
réunies en l'espèce.
c) Dans la mesure où aucun accord sur le
loyer n'est intervenu entre les parties et qu'on se trouve par
conséquent dans le cas d'une augmentation unilatérale du loyer par le
bailleur, il s'agit d'examiner si les hausses litigieuses ont
valablement été notifiées.
Cela doit être nié. On trouve en effet
plusieurs motifs de hausse sur les deux formules de hausse, sans que les
montants correspondant à chacun d'entre eux soient détaillés – ce qui
est une exigence claire de l'article 19 alinéa 1 lettre a chiffre 4 in
fine OBLF. Les hausses n'ont ainsi été exprimées ni en pourcentages, ni
en francs. De plus, les deux formules se réfèrent à la lettre qui les
accompagnait. Or celle-ci ne fait mention comme motif de hausse que des
travaux de rénovation, ce qui ne fait qu'ajouter à la confusion. La
locataire n'était donc pas en mesure de juger du bien-fondé de la
hausse. La jurisprudence du Tribunal fédéral exige en effet que les
motifs de la hausse figurant sur la formule doivent permettre au
locataire de saisir la portée et la justification de la majoration, de
manière à pouvoir apprécier en pleine connaissance de cause
l'opportunité de la contester ou non (ATF 118 II 130 cons. 2b; ATF 117
II 458). Ce n'est pas le cas en l'espèce.
Les deux hausses du 8
novembre 1999 doivent par conséquent être déclarées nulles, le loyer
mensuel net de la demanderesse restant fixé à
725.- francs, acomptes mensuels de chauffage et d'eau chaude en sus, par
70.- francs.
Décision
36/4 - Augmentation de loyer – Formule officielle