Augmentation de loyer
Base légale
- Art. 269d al. 1 CO
- Art. 269d al. 2 CO
Nom du tribunal
Chambre d’appel en matière de baux et loyers de Genève
Date
22.06.2007
Résumé
Il ne suffit pas, pour admettre une majoration conventionnelle, qu’un bailleur, dans une situation de majoration unilatérale, fasse signer au locataire un document qu’il a lui-même préparé. Pour respecter le but protecteur de l’art. 269 d al. 2 CO, une modification consensuelle du contrat de bail n’est admissible que s’il résulte des circonstances que le locataire était suffisamment informé de ses droits et qu’il n’a pas consenti sous la menace d’une résiliation.
Exposé des faits
En date du 16 mars 2004, les
locataires ont signé avec la propriétaire d’alors un contrat de bail à
loyer portant sur la location d’une arcade d'environ 80m2 au
rez-de-chaussée d’un immeuble sis à G. Les locaux étaient destinés à
l’usage d’un laboratoire.
Le bail a été conclu pour une durée
initiale de cinq ans, du 1er avril 2004 au 31 mars 2009, et se
renouvelle ainsi tacitement d’année an année. Le loyer annuel, charges
non comprises, a été fixé à fr. 16'800.-, et est réputé adapté à
l’indice officiel suisse des prix à la consommation.
Les locataires
ont été informés d’un changement de propriétaires en avril 2004. En
octobre 2004, par avenant No 1 au contrat de bail, les parties ont
décidé que l’affectation des locaux est modifiée en café-restaurant et
que le loyer sera porté à fr. 20'400.- par an dès le 1er janvier 2005.
Par
requête du 16 novembre 2004, déclarée non conciliée à l’audience de la
Commission de conciliation du 4 mars 2005 et portée devant le Tribunal
des baux et loyers le 7 mars 2005, les locataires ont agi en
contestation du loyer initial. Ils contestaient qu’une augmentation
conventionnelle du loyer soit intervenue et estimaient qu’il s’agissait
en pratique d’une augmentation de loyer imposée aux locataires, dont la
nullité devait être constatée.
Considérations
3. Il faut en premier lieu s'interroger sur la validité juridique de
l'avenant signé par les parties les 11 et 26 octobre 2004 et portant sur
une modification de l'affectation de locaux loués et une augmentation
du loyer.
3.1 A teneur de l'art. 269d al. 2 let. a CO, les
majorations de loyer sont nulles lorsqu'elles ne sont pas notifiées au
moyen de la formule officielle. Il est constant en l'espèce qu'il n'y a
pas eu de notification à l'aide d'une formule officielle. La question
qu'il faut cependant résoudre est de savoir si l'on se trouve dans un
cas d'application de l'art. 269d CO relative aux augmentations de loyer
et autres modifications unilatérales du contrat par le bailleur.
S'agissant
de la majoration du loyer, elle vise l'hypothèse où le bailleur veut
majorer le loyer pour le prochain terme de résiliation (cf. art. 269d
al. 1 1ère phrase CO). La référence au prochain terme de résiliation
s'impose parce que les parties, en vertu du principe de la fidélité
contractuelle, sont liées par leur accord jusqu'à l'échéance et que le
bailleur ne pourrait donc pas modifier unilatéralement le loyer avant
l'échéance (WEBER / ZIHLMANN, Commentaire bâlois, 2e éd., n. 5 ad art.
269d CO; SVIT-Kommentar, n. 10 ad art. 269d CO; LACHAT, Le bail à loyer,
p. 267 n. 3.1.8), sous réserve d'une clause d'indexation ou
d'échelonnement (SVIT-Kommentar, n. 8 ad art. 269d CO; LACHAT, ibid.).
3.2
II est admis que les dispositions sur la protection contre les loyers
abusifs n'empêchent pas les parties, en vertu de la liberté
contractuelle, de convenir en tout temps de modifier le contenu de leur
contrat, et cela même en cours de bail (SVIT-Kommentar, n. 14 ad art.
269d CO).
La faculté donnée au bailleur de demander unilatéralement
une augmentation du loyer pour le prochain terme de résiliation (sur
cette figure juridique: cf. HONSELL, Schweizerisches Obligationenrecht.,
p. 236) n'exclut pas que les parties puissent convenir valablement,
sans l'usage d'une formule officielle, d'augmenter le loyer pour
l'échéance (arrêt 4C.496/1994 du 28 mars 1995, c. 2b, publié in Pra 1996
n° 129 p. 425, in mp 1995 p. 145 et in MRA 1995 p. 256; arrêt
4C.117/1998 du 28 août 1998, c. 2, publié in Pra 1999 n° 8 p. 44; arrêt
4C.134/2001 du 18 octobre 2001, c. 2b; HIGI, Commentaire zurichois, n.
13 ad art. 269d CO; LACHAT, op. cit., p. 265 s. n. 3.1.4).
3.3 Les
dispositions impératives de la loi ne doivent cependant pas être
éludées. Il ne suffirait pas, pour admettre une majoration
conventionnelle, qu'un bailleur, dans une situation de majoration
unilatérale, fasse signer au locataire un document qu'il a lui-même
préparé. Pour respecter le but protecteur de l'art. 269d al. 2 CO, une
modification consensuelle du contrat de bail n'est admissible que s'il
résulte des circonstances que le locataire était suffisamment informé de
ses droits et qu'il n'a pas consenti sous la menace d'une résiliation
(arrêt 4C.134/2001 du 18 octobre 2001, c. 2b; ATF 123 III 74 c. 3b).
4. 4.1
II apparaît cependant d'emblée en l'espèce que l'on ne se trouve pas
dans une hypothèse où l'avenant conclu les 11 et 26 octobre 2004
pourrait avoir éludé le régime de protection prévu par les art. 269 ss
CO. En effet, la formule officielle, exigée par l'art. 269d al. 1 2e
phrase CO, ne vise que l'hypothèse où le bailleur veut majorer le loyer
pour le prochain terme de résiliation (art. 269d al. 1 1ère phrase CO).
Dès
lors que les appelants ne voulaient pas modifier le loyer pour le
prochain terme de résiliation, soit le 31 mars 2009, ils ne pouvaient
utiliser la formule officielle. En réalité, les intimés se trouvaient
dans une situation bien plus confortable que le locataire qui, recevant
une majoration unilatérale, est exposé à ce que la hausse soit déclarée
non abusive; ils leur suffisaient en effet de refuser de signer
l'avenant pour que toute modification du loyer soit exclue avant
l'échéance, le 31 mars 2009.
Leurs droits étaient tellement évidents
qu'ils ne nécessitaient aucune information par le moyen d'une formule
officielle. Qu'on leur ait proposé de signer un avenant montre bien que
la modification n'était pas possible sans leur signature. Chacun sait
qu'il ne doit pas signer un document avec lequel il n'est pas d'accord.
En
tant que commerçants, les intimés ne pouvaient pas ignorer qu'ils
avaient conclu un contrat jusqu'au 31 mars 2009 et que les contrats
doivent être respectés. Ils étaient donc à l'abri d'une résiliation
avant longtemps et n'avaient de toute manière aucune assurance que le
contrat serait renouvelé après son échéance. Les montants en jeu étaient
relativement importants (le loyer a été augmenté de 16'800 fr. à 20'400
fr. par an), de sorte que l'on pouvait attendre des intimés qu'ils
s'entourent, s'ils le jugeaient utile, de conseils éclairés, ce qu'ils
n'ont pas manqué de faire dès la signature de l'avenant.
Rien dans le
dossier ne donne à penser que la signature des intimés, sur le contrat
du 16 mars 2004 d'abord, qui prévoyait explicitement que les locaux
étaient destinés à l'exploitation exclusive d'un laboratoire et qu'il
était donc formellement interdit de les utiliser pour faire de la
cuisine, puis sur l'avenant des 11 et 26 octobre 2004 ensuite, ne
résulterait pas d'une volonté libre et éclairée.
Il ne ressort pas de
la procédure que les parties au contrat de bail conclu le 16 mars 2004
avaient d'ores et déjà convenu d'un changement d'affectation des locaux
et de l'exécution de travaux à cette fin. Au contraire, le contrat du 16
mars 2004 attirait spécifiquement l'attention des intimés sur la
destination des locaux et l'interdiction d'utiliser ceux-ci pour y faire
la cuisine.
C'est donc postérieurement à la conclusion du contrat
de bail du 16 mars 2004, et avant la signature de l'avenant des 11 et 26
octobre 2004, que les parties (dont les nouveaux propriétaires) ont
négocié les conditions d'un changement d'affectation des locaux et des
travaux y afférents.
Le fait qu'en date du 10 mai 2004, le
représentant des propriétaires ait signé une demande d'autorisation de
modification de l'affectation des locaux loués ne saurait à lui seul
être interprété comme une acceptation des appelants à une modification
du contrat de bail initial sans aucune contrepartie. Cette demande
d'autorisation n'a d'ailleurs finalement été déposée auprès de
l'autorité concernée que le 17 novembre 2004, soit après la signature de
l'avenant et la requête en contestation du loyer initial.
4.2
L'avenant des 11 et 26 octobre 2004 a notamment fixé conventionnellement
une nouvelle affectation des locaux et un nouveau loyer. On peut
assimiler celui-ci à un loyer initial (dans ce sens: HIGI, op. cit., n.
185 ad art. 269d CO et n. 25 ad art. 270 CO; HONSELL, op. cit., p. 235).
Le droit fédéral n'exige cependant pas l'utilisation d'une formule
officielle pour communiquer un loyer initial relatif à des locaux
commerciaux (cf. art. 270 CO) et, dès lors qu'il ne s'agit pas en
l'espèce d'un logement, le droit cantonal ne pourrait pas non plus
l'imposer (art. 270 al. 2 CO; ATF 117 la 328 c. 3d).
On se trouve
ainsi en présence d'une modification conventionnelle d'un loyer qui a
été valablement conclue et n'exigeait pas l'emploi d'une formule
officielle.
Décision
44/4 - Augmentation de loyer