Amende disciplinaire – Annulation de jugement

Base légale

Nom du tribunal

Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève

Date

29.06.2015

Résumé

La décision visant à fixer une amende disciplinaire est une décision finale qui doit être prise par le Tribunal des baux et loyers dans sa composition régulière, cette autorité devant siéger avec assesseurs paritaires sous la présidence d’un juge de carrière. Lorsque le Tribunal statue dans une composition irrégulière pour prononcer une amende disciplinaire, la décision doit être annulée ; en effet, elle viole la garantie constitutionnelle de l’article 30 alinéa 1 Cst.

Exposé des faits

Les locataires ont saisi le Tribunal des baux et loyers d’une requête en contestation du loyer initial formée à l’encontre de leur bailleresse.
Lors de l’audience de débats d’instruction du 20 février 2015 devant le Tribunal, l’employé de l’ASLOCA, a assisté les locataires. Il a été invité à se lever pour plaider, par respect des convenances et du Tribunal. Il a précisé avoir l’habitude de plaider assis et de s’en tenir à cette habitude. L’attention de l’employé de l’ASLOCA a été attirée sur la tenir de l’art. 128 al. 1 CPC et la possibilité d’une amende disciplinaire pour qui enfreint les convenances.
L’employé de l’ASLOCA a été informé qu’il sera amendé s’il persiste à refuser de se lever pour plaider. Le Tribunal a condamné l’intéressé à une amende de fr. 200.– pour avoir enfreint les convenances. Il plaidera donc assis et est informé que la décision d’amende peut faire l’objet d’un recours dans les 10 jours auprès de la Cour de justice.
Par décision du 20 février 2015, le Tribunal, composé de sa seule présidente a condamné l’employé de l’ASLOCA à une amende de fr. 200.– pour avoir enfreint les convenances lors de l’audience du même jour.
Par acte déposé le 5 mars 2015 au greffe de la Cour de justice, l’employé de l’ASLOCA a formé recours contre cette décision, dont il a sollicité l’annulation, se prévalant notamment d’une composition irrégulière du Tribunal.

Considérations

2. La décision attaquée a été rendue par le Tribunal composé de sa seule présidente.

2.1 A teneur de l'art. 30 al. 1 Cst., qui a la même portée que l'art. 6 § 1 CEDH, toute personne, dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire, a droit à ce que sa cause soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial. Cette disposition constitutionnelle interdit les tribunaux d'exception et la mise en œuvre de juges ad hoc ou ad personam; elle impose des exigences minimales en procédure cantonale et requiert une organisation judiciaire ainsi qu'une procédure déterminées par un texte légal (ATF 129 V 335 consid. 1.3.1 p. 338 et les références); que ces principes s'appliquent aussi aux juges suppléants et laïcs (arrêts du Tribunal fédéral 8C_470/2012 du 29 mai 2013 consid. 3; I 688/03 du 15 mars 2004 consid. 2 in SVR 2005 IV n. 32 p. 119 et les références).
La Cour de céans examine d'office les conditions formelles de validité et de régularité de la procédure de première instance (ATF 135 V 124 consid. 3.1 p. 127; 132 V 93 consid. 1.2 p. 95 et les références; cf. aussi MEYER/DORMANN in Basler Kommentar zum Bundesgerichtsgesetz, 2ème éd. 2011, n. 8 ad art. 106 LTF), parmi lesquelles figure la composition – régulière ou pas – du tribunal qui a statué (ATF 129 V 335 consid. 1.2 p. 337; arrêts du Tribunal fédéral 9C_683/2012 du 27 mai 2013; 9C_836/2012 du 15 mai 2013).
Le Tribunal fédéral a admis de façon constante que la composition irrégulière d'une autorité constitue une cause d'annulabilité du jugement qui a été rendu (ATF 136 I 207 consid. 5.6 p. 218 ss; arrêts du Tribunal fédéral 9C_683/2012 du 27 mai 2013; 9C_836/2012 du 15 mai 2013; I 688/03 précité consid. 3).
Selon la jurisprudence, les juges assesseurs sont des magistrats de l'ordre judiciaire à teneur de l'organisation cantonale (ATF 130 I 106; art. 5 et 88 LOJ-RSGE E 2 05).
Le Tribunal des baux et loyers siège dans la composition d'un juge, qui le préside, d'un juge assesseur représentant les groupements de locataire et d'un juge assesseur représentant les bailleurs (art. 88 LOJ).
Selon la doctrine, constitue une "autre décision", au sens de l'art. 319 CPC, celle dont le prononcé marque définitivement le cours des débats et déploie – dans cette seule mesure – autorité et force de chose jugée à l'encontre des parties ou des tiers concernés. Tel est notamment le cas d'une amende disciplinaire, au sens de l'art. 128 al. 4 CPC (JEANDIN, Code de procédure civile commenté, n. 15 ad art. 319 CPC).

2.2 En l'espèce, il est constant que la composition du Tribunal était régulière, lors de l'audience du 20 février 2015, dès lors que celui-ci était composé de sa présidente et de deux assesseurs. Toutefois, la décision d'amende, notifiée au recourant le même jour, a été prise par la présidente du Tribunal des baux et loyers, siégeant sans assesseurs, lesquels ne sont nullement mentionnés sur la décision. A cet égard, il importe peu que les décisions soient signées par le seul président. Seule est déterminante la composition du Tribunal amené à rendre une décision. Comme retenu ci-avant, cette décision est finale; il ne s'agit pas d'une ordonnance d'instruction.
Il s'ensuit que le Tribunal des baux et loyers a statué dans une composition irrégulière pour rendre une décision, alors que la loi imposait que cette autorité siège avec assesseurs paritaires sous la présidence d'un juge de carrière, et rende sa décision, cas échéant, à la majorité. Partant, il a violé la garantie constitutionnelle de l'art. 30 al. 1 Cst.
Ce vice entraîne l'annulation du jugement et le renvoi de la cause au Tribunal des baux et loyers pour qu'il statue à nouveau dans une composition conforme à la loi.

Décision

56/10 - Amende disciplinaire – An-nulation de jugement

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