Adaptation partielle du loyer – réserve de hausse

Base légale

Nom du tribunal

Tribunal des baux du Canton de Vaud

Date

01.06.2015

Résumé

En se prévalant du maintien de la situation antérieure des charges, le bailleur renonce provisoirement à appliquer un critère pour pouvoir s’en prévaloir ultérieurement, lorsque l’évolution des charges lui sera plus favorable. Cette méthode équivaut donc à une adaptation partielle du loyer au sens de l’article 18 OBLF, qui n’est possible qu’à la condition d’être chiffrée.

Exposé des faits

Les parties sont liées par un contrat de bail à loyer du 21 mars 2011 portant sur la location d’un appartement de 4,5 pièces sis à Vevey.
Le loyer initial a été fixé à fr. 2'400.–, auquel s’ajoute un forfait pour le chauffage et les frais accessoires de fr. 200.– ; les critères de ce loyer sont un TIH à 2.75 % et l’IPC de février 2011 à 109.7 (base 2000). Le bail mentionne en outre qu’une réserve locative de fr. 300.– a été créée le 3 juillet 2009, cette réserve étant « due à une baisse accordée à la précédente locataire par rapport au locataire antérieur ».
Par courrier du 17 décembre 2013, les locataires ont demandé au bailleur une baisse de loyer liée à la baisse du taux hypothécaire pour la prochaine échéance du bail. Le bailleur a répondu le 23 janvier 2014 qu’il n’entrait pas en matière sur cette demande, dans la mesure où il pouvait opposer en compensation « notamment la répercussion du coût des importants travaux » effectués en 2013 dans l’immeuble, et annonçait qu’une hausse de loyer leur serait envoyée dans le courant de l’année 2014. Les locataires ont saisi la Commission de conciliation le 12 février 2014, visant la confirmation de leur demande de baisse de loyer.
Le 1er avril 2014, le bailleur a adressé aux locataires un formulaire de notification de hausse de loyer, selon lequel le nouveau loyer net est fixé à fr. 2'450.– à compter du 1er avril 2015 et qui renvoie pour le surplus à une feuille de calcul annexée. Celle-ci mentionne que, compte tenu de la réserve existante de fr. 300.–, des variations du TIH (– 8.26 %, soit – fr. 198.24) et de l’IPC (– O.34 %, soit – fr. 8.16) ainsi que des travaux de 2013 (+ fr. 179.19), le loyer devrait être fixé à fr. 2'673.19, de sorte qu’une réserve au sens de l’art. 18 OBLF était constituée, et que les charges courantes de l’immeuble restaient égalisées à fin 2010. Les locataires ont saisi la Commission de conciliation 2014 afin de contester notamment la hausse de loyer.
Par jugement du 1er juin 2015, le Tribunal des baux du Canton de Vaud a fixé le loyer mensuel dû par les locataires à fr. 2'221.45 (TIH : 2 % – IPC : 108.7 points ; novembre 2013; base 2000 – charges courantes et d’exploitation arrêtées au 31 décembre 2012).

Considérations

II.    Le bailleur entend donc, notamment, maintenir le critère des charges courantes et d’entretien de l’immeuble à son précédent niveau à l’égard des locataires, ainsi que faire usage d’une réserve de hausse d’un montant de 300 fr., constituée lors de la conclusion du bail qui le lie avec les locataires.

a) Aux termes de l’article 18 OBLF, lorsque le bailleur n’adapte que partiellement le loyer, il doit indiquer, en francs ou en pourcent du loyer, le montant de la majoration auquel il renonce. La méthode relative interdisant en principe au bailleur de faire valoir des motifs de hausse intervenus avant la dernière fixation du loyer en vertu de la théorie de la confiance, les réserves de hausse selon l’article 18 OBLF obéissent à des exigences sévères de forme. Elles doivent ainsi être exprimées clairement, de manière à ce que le locataire comprenne qu’ultérieurement le bailleur pourra se prévaloir des motifs réservés, la seule indication que le loyer pourrait être majoré davantage ou des formules telles que « adaption partielle du loyer » ou « hausse insuffisante » ne répondant pas à cette exigence. Elles doivent en outre être motivées de manière précise, c’est-à-dire indiquer les critères de fixation du loyer, et être chiffrées, en francs ou en pourcent (LACHAT, op. cit. pp. 532 s. et les références citées). Le bailleur doit donc indiquer exactement quels facteurs de hausse il entend réserver et, cas échéant, dans quelle mesure il renonce à utiliser pleinement l’un des facteurs invoqués (ATF 117 II 161, consid. 3 ; JT 1992 I 205).
L’examen de la validité d’une réserve de hausse, soit de son admissibilité quant au principe et quant à la quotité, ne se justifie qu’au moment où le bailleur manifeste l’intention de s’en prévaloir, en particulier à l’occasion d’une prochaine hausse de loyer (ATF 116 II 594, consid. 3b). Une réserve peut être activée par le bailleur à titre défensif contre une demande de baisse de loyer émanant du locataire (HIGI, Commentaire zurichois, 4e éd., Zurich 1998, n. 109 ad art. 269d CO).

b) En l’espèce, en se prévalant du maintien de la situation antérieure des charges, le bailleur renonce provisoirement à appliquer un critère pour pouvoir s’en prévaloir ultérieurement, lorsque l’évolution des charges lui sera plus favorable. Cette méthode équivaut donc à une adaptation partielle du loyer au sens de l’article 18 OBLF, qui n’est possible qu’à la condition d’être chiffrée. Le bailleur n’a toutefois aucunement chiffré le montant ou le pourcentage de hausse auquel il renonce provisoirement de la sorte. Néanmoins, dans la mesure où il est appelé à fixer le loyer, le tribunal ne saurait admettre de créer une réserve nulle, de sorte qu’il y a lieu de considérer que les loyers que le tribunal sera amené à fixer le seront sur la base du dernier état des charges connu au 23 décembre 2013, moment déterminant pour examiner l’adaptation du loyer, soit celui du 31 décembre 2012. Il convient d’ailleurs de relever que, contrairement à ce que soutient le bailleur, il s’agissait déjà de l’état des charges pris en compte lors de la dernière fixation de loyer des locataires. Ceux-ci pouvaient effectivement de bonne foi se fonder sur la notification qui leur avait été faite le 13 mars 2013 par le conseil du défendeur et qui mentionne l’état des charges au 31 décembre 2012, quand bien même la feuille de calcul qui y était annexée indiquait un état des charges arrêté au 31 décembre 2002.
Par ailleurs, la réserve de 300 fr. dont se prévaut le défendeur à l’égard des locataires a été créée lors de la conclusion du bail et figure tant dans les dispositions complémentaires du contrat que dans la formule officielle de notification de loyer établie à ce moment-là. Toutefois, la formulation de cette réserve de hausse ne répond manifestement pas aux exigences posées par la loi et la jurisprudence. Le bailleur s’est en effet contenté d’évoquer l’existence d’une réserve de hausse liée à une baisse de loyer accordée à la locataire précédente, mais n’a en rien explicité le fondement de cette baisse de loyer, soit le calcul qui y a conduit, élément que le défendeur n’a du reste pas non plus précisé durant la présente procédure. Dès lors, faute pour les locataires de pouvoir déterminer sur quel critère cette réserve a été créée, celle-ci est nulle. Le défendeur ne peut par conséquent pas opposer cet élément en compensation de la baisse de loyer demandée par les locataires, ni pour justifier une hausse de loyer.

Décision

56/8 - Adaptation partielle du loyer – réserve de hausse

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