Consignation de loyer – Mesures provisionnelles
Artikel
- Art. 259g OR
- Art. 259h Abs. 2 OR
Name des Gerichts
Chambre d'appel en matière de baux et loyers de Genève
Datum
10.02.2003
Zusammenfassung
L'obligation faite au locataire de saisir l'autorité de conciliation dans les trente jours qui suivent l'échéance du premier loyer consigné ne saurait, en soi, faire obstacle à un prononcé de mesures provisionnelles, qui peuvent être demandées en tout temps par le bailleur.
Sachverhalt
Par contrat du 26 août 1998, une société commerciale a loué des locaux
aux 3ème et 4ème étages dans un immeuble à G. Par un autre contrat du
1er juillet 2000, la même société a loué d'autres locaux au 6ème étage
dans le même bâtiment.
En date du 17 avril 2000, la société
commerciale a sous-loué, au 4ème étage un bureau pour usage
professionnel, à une société de gestion de fortune. Le 14 mai 2001, la
société commerciale a sous-loué, au 6ème étage, un autre bureau à une
personne exerçant elle aussi le métier de gestion de fortune.
La
sous-locataire du 4ème étage a indiqué, par courrier recommandé du 8
juin 2001 à la société commerciale sous-bailleresse, que cette dernière
sous-location constituait un défaut de la chose louée, étant donné que
le sous-locataire exerçait la même activité professionnelle qu'elle.
Dans la suite de la lettre, un délai au 28 juin 2001 était imparti à la
sous-bailleresse pour faire en sorte que le sous-locataire du 6ème étage
quitte l'immeuble. Il était indiqué que les loyers seraient consignés à
partir du mois de juillet 2001 si la situation persistait.
Le 26
juin 2001, la sous-locataire du 4ème étage a consigné le loyer et a
saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers d'une
requête tendant notamment à la validation de cette consignation. Par
décision du 6 février 2002, la Commission de conciliation a rejeté cette
requête.
Le 14 mai 2002, la sous-bailleresse a déposé devant le
Tribunal des baux et loyers une requête de mesures provisionnelles
tendant à la levée de la consignation de loyer. Le Tribunal a, par
ordonnance notifiée le 28 juin 2002, ordonné de verser en mains de la
sous-bailleresse la totalité des loyers consignés par la sous-locataire.
La
sous-locataire a fait appel contre cette ordonnance le 11 juillet 2002,
contestant notamment la possibilité de lever une consignation de loyer
au moyen de mesures provisionnelles.
Aus den Erwägungen
5. L'appelante fait ensuite valoir que les conditions posées par la \njurisprudence pour permettre au tribunal d'ordonner des mesures \nprovisionnelles au sens des articles 320 et suivants LPC ne seraient pas\n réalisées. En bref, elle soutient que les faits allégués par l'intimée \ndevant les premiers juges n'ont pas été rendus vraisemblables, qu'il \nn'existait en l'espèce aucune nécessité de protection immédiate de \nl'intimée, et que les intérêts de celle-ci auraient pu être sauvegardés \nd'une autre manière que par le moyen de mesures provisionnelles.
De \njurisprudence constante, le caractère exceptionnel des mesures \nprovisionnelles exige que celles-ci ne soient admises que si toute autre\n mesure ou action judiciaire se révèle inefficace à sauvegarder les \nintérêts du recourant (SJ 1958 p. 570; SJ 1977 p. 62; SJ 1993 p. \n209-210). Elles ne peuvent être prises que s'il y a urgence, soit s'il \nn'existe pas d'autre possibilité en vue de sauvegarder les droits d'une \npartie dont les intérêts seraient mis en péril en l'absence d'une \nsolution provisoire (SJ 1984 p. 365; SJ 1985 p. 480 et SJ 1986 p. 367). \nUne prétention qui se confond avec l'exercice d'un droit de fond ne peut\n pas faire l'objet de mesures provisionnelles, sauf pour les obligations\n de s'abstenir (SJ 1982 p. 335); une mesure provisionnelle n'est ainsi \nen principe pas apte à produire des effets analogues à ceux des \njugements en prestation: le juge ne pourra par exemple pas ordonner la \nrestitution à titre provisionnel de l'objet en litige à l'occasion d'un \nprocès en revendication, alors qu'il pourra au contraire interdire au \ndéfendeur de l'aliéner ou de le grever (Habscheid, Droit judiciaire \nprivé suisse, p. 406).
Le droit de consigner le loyer, institué par \nles articles 259g à 259i CO, permet au locataire de faire pression sur \nle bailleur afin d'obtenir la remise en état de la chose, une réduction \ndu loyer ou des dommages-intérêts, sans courir le risque de tomber en \ndemeure pour non-paiement du loyer; en effet, les loyers consignés sont \nréputés payés (art. 259g CO; RJB 1994 p. 92; Tercier, Les contrats \nspéciaux, 1995, n. 1648 p. 206). Cette faculté constitue un moyen de \npression sur le bailleur, qui ne perçoit provisoirement plus le loyer; \nc'est au juge qu'il appartient – ultérieurement – de tenir compte de \nl'importance du défaut et de fixer en conséquence la part de loyer \npouvant être consignée (CdB 1993 30). Il s'agit donc par principe d'une \nmesure de caractère provisoire (Lachat, Le bail à loyer, 1997, n. 7.5.1,\n p. 182), qui peut être exercée directement et unilatéralement par le \nlocataire (Tercier, op.cit., n. 1650, p. 206).
Après que le locataire\n a procédé à la consignation du loyer, conformément à l'article 259g CO,\n le bailleur peut en requérir la levée, auprès de l'autorité judiciaire \ncompétente. La loi prévoit expressément cette possibilité (art. 259h al.\n 2 CO), sans préciser dans quel délai le bailleur doit agir. Chaque \npartie reste en outre libre, en cours d'instance, de requérir du juge \nqu'il limite la portée de la consignation, pour la durée de la \nprocédure, par le biais de mesures provisionnelles (Lachat, op.cit., p. \n185, n. 7.5.10). L'obligation faite au locataire de saisir l'autorité de\n conciliation dans les trente jours qui suivent l'échéance du premier \nloyer consigné (art. 259h al. 1 CO) ne saurait, en soi, faire obstacle \nau prononcé de mesures provisionnelles, qui peuvent être demandées en \ntout temps. On voit donc que le droit fédéral ne s'oppose pas à ce que \nle TBL prononce la levée de la consignation visée à l'article 259g CO, \npar le biais de mesures provisionnelles.
Le risque existe cependant \nque la procédure décrite par les articles 259g à 259i CO soit entravée \npar le prononcé d'une ordonnance de mesures provisionnelles portant sur \nla levée de la consignation. Par un recours systématique à ce type de \nmesures, un bailleur pourrait en effet remettre en cause, ou fortement \nlimiter, la faculté du locataire de consigner son loyer, telle qu'elle \nest prévue par le droit fédéral. Il convient donc, pour le juge saisi \nd'une demande de levée de la consignation, de ne pas perdre de vue \nl'avantage procédural que le législateur a expressément voulu accorder \nau locataire qui se plaint d'un défaut. La requête de mesures \nprovisionnelles visant à empêcher, ou à restreindre, l'exercice du droit\n de consignation par le locataire ne doit en conséquence être admise que\n de manière restrictive par le juge. De telles mesures ne peuvent être \nagréées que dans des situations particulières, dans lesquelles par \nexemple les intérêts du bailleur seraient sérieusement et concrètement \nmis en danger par le maintien de la consignation initiée par le \nlocataire. Dans les cas où la chose louée est mise à bail par le \npropriétaire de l'immeuble considéré, une telle situation ne peut être \nqu'exceptionnelle, dès lors que le bailleur est en toutes hypothèses \nassuré de recevoir, à l'issue de la procédure, la part des loyers qui \nlui revient (Lachat, Le bail à loyer, 1997, n. 7.1.3, p. 178).
Saisi \nd'une requête de mesures provisionnelles, le tribunal doit également \ns'assurer du fait que la prétention du bailleur ne se confonde pas avec \nla contestation, au fond et selon la procédure ordinaire, de l'exercice \npar le locataire des droits déduits de l'article 259a CO. La décision \nsur mesures provisionnelles doit s'en tenir à ce qui est nécessaire à la\n sauvegarde des intérêts immédiats du bailleur, pour autant qu'ils \nsoient menacés, et ne saurait aller au-delà. C'est ce qu'impose le \nprincipe de la proportionnalité, également applicable en cette matière \n(not. Hohl, Procédure civile, tome II, 2002, n. 2805 p. 234).